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Interview de Dr. Serge Linckels - l’intelligence artificielle

Photo de Serge Linckels
Extrait de l’interview de Serge Linckels, responsable du Digital Learning Hub, une structure qui propose des formations spécialisées en informatique ouvertes à tous. Il était notre invité, le 8 mai dernier et a présenté différentes applications de l’intelligence artificielle (IA) lors d’une conférence en marge de l’assemblée générale de l’ASTF.

 

Que pouvez-vous nous dire au sujet de l’intelligence artificielle ?

L’intelligence artificielle est un domaine de recherche qui consiste à créer des systèmes capables à réaliser des tâches qui nécessiteraient normalement l’intelligence humaine, telles que la reconnaissance de la parole ou la résolution de problèmes. Une approche actuelle est l’apprentissage automatique (machine learning) où les systèmes sont capables d’apprendre et de s’améliorer à partir de grands volumes de données, en principe en l’absence totale de règles. Si ces données sont en plus organisées sous forme de structures appelées « réseaux neuronaux » (similaires à ceux du cerveau humain), alors on parle de d’apprentissage profond (deep learning).
L’IA concerne toutes les couches sociétales et je pense que ce sera l’impact le plus important que nous ayons vécu.

On parle d'apprentissage automatique (machine learning) lorsqu'une machine apprend à partir d'un grand nombre de données sur la base de statistiques.
Le deep learning utilise des réseaux de neurones artificiels pour apprendre et extraire des caractéristiques pertinentes à partir de grandes quantités de données.

 

Pensez-vous qu’il y ait un impact sur les couches sociales ?

Si vous regardez la transformation digitale en générale, vous observez des chances et opportunités dans tous les domaines de notre société, que ce soit en économie, dans les administrations ou dans la fabrication. Il y a de plus en plus d’emplois qui sont créés dans des domaines et spécialisations nouveaux tels que les sciences de données, la cybersécurité, et, pour inventer un nouveau métier, le « prompt engineer ».
Il est vrai que la formation continue et la reconversion seront des instruments incontournables pour que notre société garde sa puissance économique.

 

Nous avons de grands secteurs en extrême tension, comme celui des soins, en quoi l’IA peut aider à les soulager ?

En effet, à mon avis, le secteur de la santé profitera énormément des avancements de l’IA. À titre d’exemple, le domaine de la fabrication de prothèses a fait d’énormes progrès. Aussi et grâce à l’IA, des robots deviennent de plus en plus empathiques et trouvent leur application dans pleins de domaines. La société luxembourgeoise LuxAI reprogramme des robots pour une utilisation dans des orphelinats et des maisons pour personnes âgées. Il s’agit de robots empathiques qui reconnaissent le langage et qui permettent un entretien amical pour lutter contre l’isolement social. Les familles ne sont plus seules dans leur mission d’accompagnement.

Puis, il y a plein de domaines dans lesquels des applications très prometteuses sont annoncées, par exemple dans l’analyse de radiographies et l’interprétation de signaux cognitives pour le contrôle d’appareils. Dans ce cas, un système informatique redonnera à des gens paralysés la capacité d’écrire des textes sur ordinateur rien qu’en les pensant.

 

Et comment voyez-vous cela au niveau des ressources humaines ?

Prenons l’exemple de mon profil Linkedin, je peux demander à un chatbot comme Gemini de Google (ndr : IA basée sur un modèle de langage) s’il correspond à une annonce publiée en ligne à laquelle je veux postuler. Je reçois immédiatement un feedback à quel point mon profil correspondant. En tant que candidat, le chatbot peut ensuite rédiger une lettre de candidature.
À l’inverse, du côté des ressources humaines, un chatbot peut aider à préparer l’annonce, notamment s’il s’agit un profil compliqué sur un domaine moins connu par les RH. C’est aussi un bon outil pour analyser les correspondances avec les CV des postulants. Dans tous les cas et de façon générale, une IA ne remplace pas pour autant l’interaction humaine et un entretien physique.

 

Si l’IA soulage certaines tâches, peut-elle aider au développement de certaines compétences ?

Je suis d’avis que nous ne sommes qu’au début de découvrir le potentiel de l’IA en générale et des « large langages modèles » en particulier. Prenons l’IA générative qui peut proposer des lettres types. J’utilise par exemples des chatbots pour structurer mes idées. Concrètement, dès que j’ai un sujet en tête, je peux le dire à l’application sur mon smartphone. À tout moment, je peux demander l’application de synthétiser mes idées, à traduire ou à résumer des textes de loi par exemple, voire de compléter mes idées et de vérifier s’ils correspondent bien à une base légale.

 

Que pensez-vous des gens qui ont peur et veulent interdire ChatGPT ou d’autres services d’IA ?

Je comprends très bien ces gens. De nouvelles technologies ou inventions impliquent toujours un changement dans nos habitudes et, en conséquence, nous sortent de notre zone de confort. Or, je suis convaincu que l’IA sera une technologie qui impactera notre société d’une telle sorte, que je préconise de se familiariser avec ses opportunités mais aussi avec ses risques. L’interdiction d’un outil n’aura qu’un impact à court terme. Prenant le code de la route qui n’évite pas tous les accidents de route.

 

Quelles sont les limites de ces outils ?

Un de mes exemples préférés pour tester les capacités d’un chatbot est le suivant : « Mon serpent s’est cassé la patte. Que dois-je faire ? » En effet, certains chatbots interprètent le concept « serpent » comme un animal quelconque et vous avise comment traiter une blessure. D’autres reconnaisse la sémantique et se rendent compte du concept « serpent » étant un animal sans pattes. Surtout, la réponse d’une IA est non-déterministe, c’est-à-dire qu’elle peut varier à chaque interrogation.
Sachant que la qualité d’une IA est toujours directement liée à la qualité des données et de l’intention des humains qui l’ont entrainé, il s’avère évident qu’un système IA ne peux pas être parfaite tout le temps. C’est comme avec l’intelligence humain, nous ne sommes pas n’en plus parfait.
À mon avis, il faut être conscient que l’IA est une technologie prometteuse et ChatGPT un outil puissant à notre service. Il faut rester critique par rapport à leur utilisation.

 

Exemple de réponse d'un chat-AI